François COUPERIN
Trois leçons de Ténèbres,
trois Motets,
Audite omnes et expavescite, Domine salvum fac Regem, Dialogus inter Deus et Hominem.
Ann Monoyios, dessus Michèle Sauvé, violon baroque
Monique Zanetti, dessus Myriam Gevers, violon baroque
Gérard Lesne, haute-contre Pascal Montheillet, théorbe
Michel Laplénie, basse-taille Bernard Coudurier, orgue et direction
Il fait nuit et nous sommes à l'office des Matines, un Jeudi Saint. Dans le chœur de l'église conventuelle, les moines chantent les Psaumes et leurs Antiennes, les Leçons (du latin lectiones, "lectures") et leurs Répons.
Chaque nocturne comprend trois Leçons. Le 1er Nocturne est bâti sur le texte des Lamentations de Jérémie. Dans l'obscurité et le froid de l'aube brillent les fragiles flammes des treize bougies : à chaque verset, un moine éteint l'une d'elles.
Entre 1713 et 1715, François Couperin écrit neuf Leçons de Ténèbres. Celles pour le Jeudi et le Vendredi ont malheureusement disparu. Celles pour le "Mercredy" sont publiées "à la demande des Dames Religieuses de L ..." ; il s'agit très certainement de l'Abbaye Royale de Longchamp.
Les Leçons de Ténèbres de François Couperin représentent certainement la clef de voûte de l'ensemble de sa musique sacrée. Par la richesse des harmonies, l'étonnante souplesse de sa pensée musicale qui ne cherche jamais à "surprendre " mais seulement à "toucher", ces pages sont parmi les plus denses et les plus profondes de la musique française vocale de la fin du XVIIème et du début du XVIIIème siècle.
Avec la fin du Roi Soleil en 1715 arrive le déclin de la monarchie française. L'extraordinaire rayonnement artistique du Grand Siècle jette ses derniers feux. Le siècle des Lumières va naître avec Diderot, d'Alembert et Jean-Jacques Rousseau.
Ne cherchant jamais à "surprendre "mais à " toucher ", ces pages sont en fait un long cri mystique où se fondent , intimement mêlées, une émotion intense et une pudeur extrême. Dans ce registre intimiste François le Grand est sans égal, investissant la prière d'un dramatisme subtilement transposé de l'opéra. L'esprit y rencontre toujours le style. Un climat très pur prévaut ici, grâce au dessus d'Ann Monoyios, en particulier, qui, par ses mélismes lumineux, nous rappelle aussi que, dans le Paris Louis-quatorzième, l'office des Ténèbres était suivi par une foule " à la fois dévote et avide de beau chant d'opéra ". Dépouillée de toute attitude, cette approche vibrante de spiritualité gallicane aura ses très chauds partisans. En complément, trois motets du même Couperin, dont le poignant "Audite omnes ", font de ce beau compact, une mini-anthologie très homogène et toujours fervente, grâce à des interprètes très motivés.
Diapason